Parasports Québec est fière de présenter sa Personnalité du Mois de Juin, le paracycliste Charles Moreau, double-médaillé paralympique, récemment médaillé en Coupe du Monde et en quête d’une qualification pour ses troisièmes Jeux paralympiques.

 

– Propos recueillis le 27 juin 2024

 

Des débuts jusqu’au haut niveau … en para-triathlon

« Je m’appelle Charles Moreau, je suis un athlète canadien de paracyclisme, dans la catégorie vélo à main et je fais exclusivement du vélo à main depuis maintenant 2012. J’ai découvert les parasports des suites de mon accident d’automobile en janvier 2008. Initialement, j’ai un doctorat chiropratique, mais je n’exerce actuellement pas la profession puisque, depuis des années, je suis athlète quasiment à temps plein.

En fait le premier parasport que j’ai essayé, ça a été le triathlon.

Dans le fond, j’étais déjà sportif avant l’accident et j’avais un de mes amis qui faisait du paratriathlon, un gars de Québec qui s’appelle Pierre Ouellet. C’était le massothérapeute de notre équipe à l’époque. Et naturellement, je me suis collé un petit peu à lui pour expérimenter la discipline et facilement transposer cet aspect sportif de ma vie passée, malgré le handicap. J’y ai trouvé beaucoup de satisfaction et je prenais du plaisir à le faire, même de façon différente.

Rapidement, je me suis retrouvé à faire des courses régionales puis internationales qui m’ont amené à voyager beaucoup. »

 

Charles Moreau en action – Photo : OIP

Le choix du paracyclisme, en route vers de grandes performances

« En 2012, j’ai pris la décision de de me concentrer sur le paracyclisme. À l’époque, c’était principalement par rapport à des contraintes financières : le paratriathlon n’était pas encore un sport paralympique [ndlr, débuts à Rio, en 2016]. On n’avait aucun support de la fédération à ce moment-là : que ce soit au niveau logistique, au niveau du staff, ou au niveau du financement.

Le paracyclisme, lui, me permet de combiner les différents éléments de ma vie, de bien performer tout en trouvant un certain équilibre. Aujourd’hui, je ne pourrais plus m’entraîner sur trois différents sports et je suis heureux de rouler, exclusivement. Je peux aussi pratiquer mon sport avec des athlètes debout, des athlètes sans handicap. Dans mon club de cyclisme, cela me permet de me faire un cercle social au sport et de me joindre aux autres du groupe, quand ma planification d’entraînement le permet.
Il y a 2 semaines, j’ai par exemple participé pour la 2ème année au Grand défi Pierre Lavoie pour le 1000 kilomètres en équipe. J’ai pu intégrer le peloton et suivre sur plusieurs étapes pour un total de 350 kilomètres ! Et puis, le vélo, c’est aussi l’occasion de suivre mon fils facilement, lui qui a commencé le vélo il y a deux ans. Je suis heureux de pouvoir aussi partager du temps avec lui.

 

Au-delà du niveau social, si on regarde mon historique de carrière sportive, je pense que le paracyclisme a été un bon choix et cela m’a amené à performer, les années qui ont suivi dans les différents rendez-vous. La saison d’un paracycliste de haut niveau en compte plusieurs : généralement trois ou quatre Coupes du Monde annuellement, à partir du printemps. Cette année, elles ont lieu d’avril à septembre et comme dans la majorité des disciplines, on compte aussi les Championnats canadiens [ndlr, qui ont eu lieu fin juin à Saint-Georges, au Québec], dernier rendez-vous avant l’annonce des qualifications pour les Jeux Paralympiques, cette saison.

 

Parmi mes derniers résultats de la saison, j’ai fait deux 3èmes positions au contre-la-montre : une 3ème place au chrono en Australie en janvier et tout récemment, une 3ème place aussi en Italie, pour la Coupe du monde de Maniago, en Italie. En 2022, mes efforts ont été récompensés avec une 2ème place en Championnat du monde. Mes autres grands accomplissements proviennent des Jeux, une expérience mémorable. »

Crédit photo : Jean-Baptiste Benaven – Comité Paralympique Canadien

L’expérience unique des Paralympiques

« Les Jeux paralympiques, c’est toujours une ambiance particulière. J’ai eu une expérience absolument extraordinaire pour ce qui est des premiers Jeux à Rio, tant sur le plan de l’expérience olympique et paralympique, que ce qui est des installations, puis vraiment de la vibe des Jeux en général.

A Rio, ça a été un vrai « wow! » pour l’expérience, pour l’ambiance, mais aussi au niveau des performances. C’était mes premiers Jeux et j’ai fait 2 médailles de bronze [ndlr, au contre-la-montre et à la course sur route] … c’était vraiment un souvenir inoubliable.

Les Jeux de Tokyo ont été très différents – on se rappellera qu’on était pendant la pandémie – l’arrivée à l’aéroport, au Village … tout était un peu particulier.

Et puis, ça a été une expérience décevante du point de vue des performances. J’ai eu des ennuis mécaniques dans mes deux courses, je n’ai pas pu défendre mes chances.
On était aussi vraiment dans une région éloignée – point positif : on avait une super piste de course dans le Mont Fuji, c’était vraiment très beau – mais en plus de ne pas avoir de spectateurs et d’engouement, on était dans un club de course à 3h des installations des Jeux de Tokyo, avec un hôtel seulement pour nous : ce n’avait rien de différent d’un championnat du monde. »

 

Une préparation intense avec Paris dans la ligne de mire

« Pour la suite de la saison, l’attention est évidemment dirigée vers les Jeux paralympiques pour lesquels j’espère me qualifier. Les courses devraient avoir lieu début septembre. Il y aura aussi les championnats du monde à Zurich après les Jeux mais il n’y a pas encore d’équipe officielle d’engagée. La préparation est donc orientée vers Paris 2024 et c’est un bloc de deux mois qui s’annonce intense. On a beaucoup de projets de stratégie et de préparation physique, en travaillant des profils de parcours différents. Les gens entendent souvent parler du facteur altitude mais on explore aussi par exemple des stratégies d’adaptation à la chaleur pour favoriser des réactions physiologiques intéressantes qui améliorent la performance. Et puis, mon gros projet des prochaines semaines, c’est mon nouveau vélo, reçu spécialement pour les prochains Jeux : il est vraiment optimisé au niveau de la légèreté et de la rigidité. Je suis présentement dans l’assemblage du vélo et dans le peaufinage de mon positionnement. Cela me prend du temps mais c’est une bonne préparation pour la compétition. »

Toustes et tous en piste : le message de Charles Moreau

« Je pense que c’est important de bouger.
Moi, ça faisait partie de ma routine, de mon équilibre de vie.

On parle beaucoup des saines habitudes de vie pour la population en général. La population en fauteuil roulant ne doit pas passer à côté de ça. En fait, c’est tout aussi important pour nous, sinon plus.

Je demeure conscient que la difficulté, c’est souvent d’avoir accès à des équipements qui nous permettent de pratiquer les différents sports. Cela peut être coûteux et le défi logistique d’être capable de se transférer dans certains équipements peuvent être de véritables barrières. Mais il faut les franchir, promouvoir ces habitudes sportives saines et trouver les bons intervenants et la bonne équipe pour être conseillé et accompagné.

Mon expérience des dernières années m’a prouvé qu’il n’est jamais trop tard pour commencer! Oui, peut-être qu’à soixante ans, tu ne te donneras probablement pas l’objectif d’aller aux Paralympiques. Mais moi, j’en vois encore à soixante ans qui sont en pleine forme, c’est assez surprenant! On peut redévelopper un certain niveau de forme même sans avoir un bagage sportif excessif. Il n’est jamais trop tard pour se familiariser. »

Charles Moreau, médaillé de bronze aux Jeux Paralympiques de Rio – photo : équipe olympique canadienne

« L’excellence, ce n’est pas toujours le résultat final mais c’est beaucoup plus le chemin parcouru, entre ce que tu as commencé puis où tu te retrouves ensuite.

C’est pour moi là le secret d’un résultat exceptionnel. »