Le 30 octobre dernier, la grande famille de Parasports Québec a appris le décès de madame Martine Talbot, figure importante de l’histoire du basketball en fauteuil roulant et du développement des parasports au Québec.
En hommage à sa longue carrière sportive et à son infaillible dévouement en faveur de l’inclusion des personnes en situation de handicap, la fédération la choisit comme personnalité du mois de novembre, elle qui a incarné les plus belles valeurs du sport et de l’humanisme à travers les années.
Retour sur l’histoire hors pair d’une battante qui a su transcender ses limites et mener un combat exemplaire pour l’inclusion et l’épanouissement par le sport.
Se recréer sans ne jamais rien lâcher : de l’accident à l’excellence
Depuis ses plus jeunes jours, Martine Talbot était passionnée de sport. C’est cet engouement qui l’a menée à suivre des études d’éducation physique à l’université pour faire de sa passion une réalité professionnelle.
Mais en 1974, lors de sa troisième année d’études, un accident d’automobile vient perturber le parcours de Martine qui devient paraplégique. Là où il serait possible de baisser les bras et de compromettre ses projets, la jeune femme décide de s’accrocher et entame sa remise en forme à l’Institut de Réadaptation de Montréal (IRM) où elle passe près de 7 mois. Un an après, elle décide de retourner à l’université et de dépasser les difficultés pour terminer ses études et obtenir son diplôme. Déjà soucieuse d’accompagner les autres dans leurs propres défis, elle travaille comme animatrice dès l’été 1976, à l’IRM, auprès de ceux qui l’ont accompagnée dans sa convalescence.
Avec le sport au cœur de sa vie, la Québécoise décide de poursuivre la pratique malgré ses nouveaux défis physiques et son énergie est vite remarquée. On lui propose alors de se lancer dans la compétition et elle ne tarde pas à intégrer l’équipe canadienne, ce qui l’emmène aux Jeux paralympiques de Toronto (les Torontolympiades), cette même année 1976, où elle décroche une 5e place en natation (en dos).

Martine Talbot entre deux compétitions. Photo : Bernard Goeders, Journal Contact Laval 1978,
Intégrée à cet environnement sportif, elle trouve la motivation nécessaire pour accepter sa nouvelle situation et relever ses défis physiques. Elle déclare :
« Comme le sport a toujours été la base de mon existence, je ne me suis pas laissé abattre. J’ai connu une période creuse mais je suis parvenue à retrousser mes manches pour finalement trouver un certain équilibre à mon existence. »
Avec cette nouvelle implication compétitive, c’est le début d’une longue série de succès pour elle qui excelle dans plusieurs disciplines, et notamment en para-athlétisme ainsi qu’en para-natation.
La Québécoise fait parler d’elle avec ses grands résultats aux Jeux Canadiens pour handicapés physiques de 1977 à Terre-Neuve où elle remporte six médailles d’or et bat trois records canadiens, dans les bassins de natation et dans les stades d’athlétisme.
En 1978, Martine Talbot s’illustre notamment en étant la seule représentante du Québec engagée parmi les 19 Canadien.ne.s présent.e.s aux Jeux panaméricains, au Brésil. Elle y remporte trois médailles, deux d’argent en natation (aux 50m dos et 50m libre) et une avec l’équipe canadienne de basketball en fauteuil roulant.
La jeune athlète prouve ainsi son talent et sa polyvalence, ce qui lui vaut d’être nommée meilleure athlète féminine canadienne de l’année (classe 2) pour ses performances exceptionnelles, cette année 1978.

Martine Talbot avec l’équipe canadienne de basketball en fauteuil roulant
En dehors des terrains : inspirer les suivant.e.s et assurer la relève
En parallèle de sa carrière parasportive exceptionnelle, Martine Talbot met toute son énergie dans la transmission de son expérience et dans le développement des parasports autour d’elle. Accompagnée par son conjoint André Ducharme lui-même grand champion à qui l’on doit le premier logo de l’AQSFR et que la polio n’empêche pas de décrocher des victoires mémorables et des records du monde en para-athlétisme – elle parcourt le Québec pour développer le basketball en fauteuil roulant en faisant des cliniques et organise les 4 premiers championnats provinciaux de la discipline au Québec avant d’intégrer l’organisation du Championnat canadien, plus tard en 1983. Toujours avec son partenaire André, Martine forme dès 1980 l’équipe des Gladiateurs (dans un premier temps à Montréal avant un passage à Laval en 1991).

Martine Talbot guide les joueurs des P’tits Glads vers la victoire
Avec deux baskethons organisés annuellement et des subventions gouvernementales croissantes au fil des années, l’activité du club prend de l’ampleur et donne un terrain de jeu à de plus en plus de Québécois.e.s souhaitant se révéler par les parasports. Cette croissance permet de mettre l’accent sur la jeunesse, avec la création de l’équipe des P’tits Glads en 1993, champions canadiens en 1995 et 1996 et des Gladiateurs Juniors, champions canadiens en 1998. Sur le long terme, l’impact du club sur le développement du basketball en fauteuil roulant dans la communauté parasportive dépassera toutes les attentes des deux entraîneur.e.s et ex-athlètes.
En plus d’entraîner ces deux équipes pendant leurs belles années de 1993 à 1998, Martine devient également assistante-entraineure des Québécois.e.s aux Jeux du Canada en 1995 puis entraineure lors de ces mêmes-jeux en 1999.
Avec sa grande implication, Martine Talbot force ainsi l’admiration de toute la communauté et des médias qui la voient exceller sportivement, s’impliquer pour le développement de la pratique, dépasser ses défis physiques et poursuivre son mandat au sein de l’IRM, le tout en élevant trois enfants, accompagnée par son conjoint André : les jeunes Marc-Antoine, Jean-Nicolas et Myrianne.
Et les deux parents-athlètes ne laissent en aucun cas le sport aux portes de leur foyer : ils plongent leurs enfants dans la même culture sportive qu’eux et les introduisent par exemple au tennis, au soccer, à la natation ou au hockey. C’est cet accompagnement passionné qui mène le jeune Marc-Antoine à adopter le basketball en fauteuil roulant et à s’impliquer dans son développement sur le terrain et en dehors. Entraîneur iconique pour l’équipe féminine de basketball en fauteuil roulant québécoise, il contribue également à l’activité de Parasports Québec (initialement AQSFR) entre 2004 et 2017, notamment pendant son mandat de directeur général à partir de 2010.
Une championne au service de l’inclusion
Forte de ses propres expériences, Martine Talbot a su dépasser ses limites et incarner un modèle de combativité à travers les années, tant comme athlète que comme entraineure et jeune mère.

Martine Talbot en couverture du journal Contact-Laval de septembre 1995
Si le club de Laval donne l’espace nécessaire aux jeunes en situation de handicap pour s’épanouir, Martine Talbot va plus loin en luttant contre l’isolement que peuvent subir les jeunes à mobilité réduite qui ne peuvent partir en vacances ou profiter d’activités ludiques tous publics. Elle met en place des camps de jour, les camps Propulsion, pour que les jeunes avec une limitation fonctionnelle aient accès à des activités adaptées pour profiter eux aussi des beaux jours.
Ce combat pour l’inclusion s’exprime aussi en termes d’accessibilité. Martine Talbot milite activement pour que la société intègre le mieux possible les personnes avec une limitation physique, avec des infrastructures adaptées.
La Québécoise connait en effet très bien les défis de l’accessibilité : de retour après son accident, elle était retournée vivre dans la maison de ses parents, propriété inadaptée pour des personnes en situation de handicap, avant de déménager avec sa famille dans un bungalow accessible, en 1980. À travers les années, Martine n’a jamais cessé de mettre son énergie au service d’une société plus inclusive et accessible. En 2021, elle partage son expérience pour aider à la mise en place d’une application pour améliorer l’accès aux service publics pour les personnes en situation de handicap (balado Radio Canada).
Son combat ne s’arrête toutefois pas à l’accessibilité des infrastructures. Martine s’emploie activement pour faire évoluer les mentalités et favoriser l’insertion professionnelle des personnes vivant avec un handicap. Sachant elle-même après ses études que l’entrée sur le marché du travail d’une personne avec une limitation fonctionnelle est un véritable défi, l’ancienne athlète s’implique pour devenir présidente de la Corporation Personnes Handicapées et Travail de Laval afin d’aider ces personnes à faire face aux difficultés rencontrées et à changer le regard que la société porte sur elles.
« Il faut arrêter de voir comme un poids lourd une personne handicapée qui arrive en emploi! Il faut tenir compte de leurs limitations, et en prendre conscience, c’est tout. Il y a beaucoup de façons de s’adapter », déclare-t-elle.
Le grand combat mené par Martine Talbot au service de la communauté des personnes vivant avec un handicap lui vaut différentes distinctions, comme en 2006 où elle obtient le Prix Méritas pour son action comme directrice du Regroupement des Organismes de Promotion de Personnes Handicapées de Laval, à l’occasion de la Semaine québécoise des personnes handicapées.
Dans le cadre sportif, elle qui avait été membre du premier conseil d’administration de Parasports Québec, alors AQSFR, intègre le Temple de la Renommée de la fédération en 1997. Elle rejoint celui de Wheelchair Basketball Canada, aux côtés de son conjoint André Ducharme en 2016, pour son engagement sans faille au service de la discipline.
Parasports Québec souhaite rendre un dernier hommage à madame Talbot, avec ce portrait, conscients que la Québécoise a inspiré le développement du mouvement parasportif québécois et avec lui, le respect d’innombrables athlètes, tant pour son action en faveur de l’épanouissement par le sport qu’en faveur de l’inclusion sociale des personnes vivant avec un handicap.
La fédération et l’ensemble de la communauté du basketball en fauteuil roulant québécois expriment à Martine Talbot toute leur reconnaissance et leur gratitude pour l’empreinte indélébile qu’elle laisse dans le sport, et le modèle d’engagement qu’elle incarne pour toutes et tous.

Martine Talbot et son fils Marc-Antoine Ducharme
– J.Robszye, Parasports Québec